cause i know i'm a sinner (dafne)

Où étais-tu le soir où Jenna Welsten a été tuée ? : J'étais dans un bar, à essayer de noyer mon chagrin dans un martini et dans les bras d'un bel inconnu. J'avais encore appris que Marcus était allé voir ailleurs et j'avais encore eu mal. Panser mes blessures dans les bras d'inconnus, c'est devenu monnaie courante chez moi et ce n'est que le lendemain, en vérifiant mon portable dans le lit de mon placebo sentimental que j'ai appris la terrible nouvelle.
Parle nous de ta famille ? : Fille unique, mes parents ont toujours été merveilleux avec moi, deux passionnés de la vie qui avaient de l'amour à donner. J'ai tout pris, tout emmagasiné toutes ces années, sachant inconsciemment que j'avais besoin de me préparer pour la terrible épreuve d'il y a trois ans, lorsque mon père nous a quittés. Je ne m'en suis jamais totalement remise et je ne pense pas que cette douleur finira un jour par partir. On n'oublie jamais rien, on vit avec comme on dit.
De quoi as-tu peur ? : De le perdre. C'est bête puisque c'est déjà fait et qu'il ne m'a jamais réellement appartenu mais sa présence est terriblement rassurante pour moi. Chacune de ses petites attentions, chacun de ses gestes tendres ou brusques me donnent l'impression d'exister et d'être importante aux yeux de quelqu'un. Et je ne pourrai pas supporter de perdre un homme important à nouveau. Alors je reste, je ferme les yeux quand ça fait trop mal, je serre les dents et les poings et remonte sur le ring, prête à recevoir ma prochaine correction. Je me nourris de ses silences, de ses absences, de ses histoires pour qu'il reste, encore une nuit, encore un peu.

Faisant claquer ses talons sur le sol du bar dans lequel elle venait de passer des heures, petite poupée fragile se débat et tente de se libérer de l'étreinte un peu trop envahissante d'un énième inconnu. Il en peste l'alcool presque autant qu'elle probablement et il ne sait plus ce qu'il fait. Ils ne savent plus ce qu'ils font tous les deux. Ce n'était pas la première fois que Dafne venait poser son joli fessier ici, sur la troisième chaise haute en partant de la gauche, toujours la même, tout le temps. Elle laissait gaiement ses longues et jolies jambes s'enrouler autour des pieds de la chaise et se paraissait de son plus beau sourire factice, tentant vainement de cacher les reliques de son petit coeur en miettes ainsi que les traces à peine effacées des larmes qui avaient roulé le long de ses joues. C'était toujours la même chose, le barman se rapprochait d'elle en secouant la tête et en lui demandant s'il devait lui servir la formule forte ou pas. Histoire de jauger à quel point elle était brisée ce soir. Tout dépendait de lui. De la façon dont il l'avait traitée elle et ses sentiments qui grandissaient de jour en jour. Pourtant c'était peu dire qu'elle était bien mignonne la petite boulangère. Un joli minois, des formes généreuses, une taille de guêpe et une sorte de mélancolie dans les yeux qui donnerait à n'importe homme l'envie de la protéger. Et malgré tous ses atouts, la belle brune n'avait pas réussi à tomber amoureuse de la bonne personne. Deux ans qu'elle l'avait rencontré et qu'elle était directement passée aux choses sérieuses avec lui. C'était d'ailleurs ici même qu'elle l'avait rencontré, autour d'un verre et de gentilles plaisanteries. L'alcool aidant, il lui dégaina sa meilleure arme, son sourire et en deux regards évocateurs, il était parvenu à refermer son piège autour d'elle. Elle s'était donnée, corps et âme et avait espéré déjà à l'époque, vainement qu'elle le reverrait. Une rencontre fortuite qui était parvenue à laisser une emprunte indélébile sur l'esprit pourtant féroce de Dafne. Puis, une année et demie aux abonnés absents. Elle l'aurait presque oublié si ça n'avait été pour cette satanée cheville qu'elle s'était foulée. Il s'était occupé d'elle, profitant de ces retrouvailles pour lancer une nouvelle attaque avec toujours la même efficacité. Mademoiselle était retombée pour son sourire. Elle s'était de nouveau abandonnée à ses bras virils, à ses mots suaves, à ses mouvements accordés aux siens durant de longues heures. Elle s'était habituée à se réveiller trois fois par semaine, parfois plus lorsqu'il était de bonne humeur à ses côtés avant qu'il ne s'en aille dans un geste tendre. Avant qu'il ne la laisse orpheline de sa peau et encore plus avide de lui. Et alors qu'elle s'attendait au meilleur, il revenait avec le pire. Tous les deux passaient des rires aux larmes en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire et Dafne souffrait, oh que oui elle souffrait. Sa rage l'emprisonnait et prenait possession de tous ses sens, la poussant à aller trouver sa revanche dans le lit d'un homme de passage qui répondrait à ses canons de beauté ou tout simplement aux critères du bon kleenex. Elle donnait à son tour de l'amour à sens unique pour tenter de se guérir le temps de quelques coups de reins. Puis la douleur revenait. Toujours la même, encore plus lancinante. « Fous-moi la paix ! » Dernier coup de bras pour se libérer et la belle se dirigea précipitamment vers la sortie de secours en titubant, se rattrapant discrètement aux autres clients du bar. Une fois la porte ouverte, elle laissa l'air frais de l'extérieur lui agresser les poumons et la connecter un peu plus à la réalité. Maladroitement, elle chercha une cigarette et son briquet dans son sac à mains et l'alluma en tremblant avant de laisser un nuage de fumée s'échapper de ses lèvres roses. La nicotine, une autre de ses amies qu'elle devrait laisser tomber. Mais elle n'y parvient pas. Depuis la mort de son père et son retour à Honeydale, elle a l'impression de ne plus maîtriser sa vie. Pourtant elle aurait pu rester en Europe, elle était bien là-bas à démarrer des études de journalisme mais après une année loin d'ici, le manque ressenti avait été trop grand et déroutant pour tenter de continuer aussi loin. Quelle belle connerie. Si elle n'avait pas été aussi faible, elle aurait peut-être pu s'éviter toutes ces peines. Mais c'était bien ça son problème à la petite, elle était bien trop faible. Soudain, une vibration provenant de son sac. Elle y glisse la main, récupère son portable et voit son nom affiché. Marcus. Un sourire amer se dessina sur le visage de la brune avant qu'elle ne remette son portable à sa place, retournant à sa clope. Il pouvait bien aller chier ce soir. Elle n'était pas une poupée gonflable qu'il pouvait utiliser comme bon lui semblait. Il fallait qu'elle parvienne aussi à porter ses couilles, merde. Tu devais bien avoir de l'amour propre ma fille ! Dans un excès éphémère de rébellion, Dafne jeta sa cigarette au sol avant de l'écraser à l'aide de son talon et de prendre une longue inspiration. Elle s'arrangea, passa une main dans ses cheveux avant de retourner dans le dit bar pour rentrer avec le gros lourd de tout à l'heure et se nourrir de sa petite vengeance du soir histoire d'aller un peu mieux.